Avant hier, Gérald Darmanin était à Ajaccio pour commémorer le 25eme anniversaire de la mort du préfet Erignac. Dans son discours, le mot “paix” a été prononcé 6 fois. Certains optimistes y voyaient une volonté de dialogue. Mais d’autres, déjà pessimistes, percevaient plutôt une façon de faire comprendre aux Corses qu’ils devaient faire table rase de leur passé en se soumettant aux volontés françaises.
Finalement, ce qui apparut comme un signe d’apaisement était en fait une trahison. Entre discours contradictoire à la presse mainstream et arrestation de jeunes militants indépendantistes, la tension risque de monter encore d’un cran. Sans compter l’officialisation de la création d’un nouveau groupe clandestin “GCC”.
Des déclarations qui remettent en cause le processus institutionnel de la Corse
A peine Gérald Darmanin revenu sur le sol français, il s’est exprimé sur son déplacement dans l’Ile de Beauté. Et les belles paroles de compromis, d’écoute et d’empathie étaient de suite bien loin. Aux journalistes de France info, il déclara dès le soir même: “La main tendue par le gouvernement attend d’être serrée”. Comprenez en filigrane: les représentants politiques corses ne sont pas réactifs face au discours apaisé du ministre.
Mais ses déclarations ont aussi une portée beaucoup plus significatives. Car c’est tout l’appareil des institutions corses que le tourquennois remet en cause. Selon lui, “il faut désormais comprendre que la balle est du côté de ceux qui veulent une évolution institutionnelle sur l’île dans la République. La France a toujours dit “dans la République”, car il ne peut pas y avoir plusieurs types de citoyens en France.” Ces propos sont totalement contradictoires avec l’idée d’autonomie émise par ses soins alors que la Corse était sous tension suite à la mort d’Yvan Colonna. Ce qu’il a rappelé d’ailleurs le 6 février dernier, tout en précisant bien qu’il n’était pas favorable à un statut d’autonomie.
Mais de nouveau, il pose ses conditions pour que les choses puissent avancer. Et prend pour prétexte les actions et revendications des militants nationalistes pour une mise en garde. “Il ne suffit pas de faire des slogans ou des graffitis pour le réclamer.” Une drôle de manière de faire la paix.
A peine parti de Corse, Gérald Darmanin fait arrêter des jeunes militants
Lors des déclarations de Gérald Darmanin sur ses échanges avec la Corse ou lors de ses venues sur l’île, le calendrier des événements est toujours révélateur de manoeuvres politiciennes.
Ce matin, une dizaine de jeunes militants nationaliste a été arrêtée en Balagne. Certains seraient mineurs. Plusieurs associations nationalistes ainsi que des groupes politiques appellent à manifester partout en Corse ce jour. La Ghjuventù Indipendentista dont un de ses militants est concerné , les associations Sulidaritù et Patriotti mais aussi Corsica Libera se sont exprimés. Le PNC, dont un membre mineur fut arrêté ce matin, demande la liberté de tous les gardés à vue. L’objet de cette arrestation: la participation à une manifestation à Calvi en mars 2022 lors de la mort d’Yvan Colonna. Des dégradations avaient été constatées contre le bâtiment de la sous-préfecture.
En décembre 2022, le calendrier des événements relevait également peu du hasard. Des arrestations, des manifestations et le déplacement déjà reporté de Gérald Darmanin l’était de nouveau.
Avec une telle attitude, une telle méprise, Gérald Darmanin ne peut que mettre de l’huile sur le feu. Veut il montrer son autorité et celle de la France vis à vis du contexte tendu et la constitution du nouveau groupe GCC? Mais ce type de pratique, plus généralement, est l’illustration de la méthode Macron. Mensonge, autoritarisme, dialogue à sens unique, tous les ingrédients sont présents. Mais la Corse n’est pas la France et la réaction des Corses pourra ne pas être celle des français. Subir la politique du faible avec les forts et du fort avec les faibles.
Crédit photo: capture twitter
Le miroir du Nord, 2023. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine