Sioux Berger ne semble pas, de premier abord, la plus disposée pour parler éoliennes. Ecrivain, cette Auvergnate a un amour particulier pour la nature. C’est dans ce cadre qu’elle va s’intéresser à l’implantation d’éoliennes près de chez elle. Alors, elle a, comme qui dirait, mené l’enquête, interrogé des habitants. Elle a analysé ces retours qui font froid dans le dos en matière de santé publique. Elle a décidé de publier un roman: “le prix du vent”, qui de manière ludique nous plonge dans l’univers impitoyable de l’énergie éolienne.

MDN: pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs?
Mon métier, et ma passion, c’est l’écriture. Je suis l’auteure de nombreux ouvrages pratiques sur le bien-être et l’écologie ( Les chakras, Alléger votre charge mentale, Ma petite herboristerie, chez Hachette..) mais également romancière ( Les Pentes, aux éditions De Borée). Les questions liées à l’écologie dans son sens large ( art de vivre, bien être, défense de la nature ) m’ont toujours passionnée et interpellée : peut-être est-ce parce que je suis née au cœur des volcans d’Auvergne, en pleine nature. Je suis également maman de trois garçons, je partage ma vie entre la région parisienne où je travaille, et le Cantal où je réside également. Dans Les Pentes, je décris d’ailleurs ce contraste frappant entre la grande ville, croqueuse d’énergie, et la campagne, mangée peu à peu par les champs d’éoliennes, les hangars de livraison, et les enfouissements de déchets.
MDN: dans quel contexte vous êtes-vous intéressée à l’énergie éolienne?
En 2018, j’ai été confrontée en tant que simple citoyenne à l’apparition constante et harcelante des promoteurs éoliens, sur la commune où je vis en Auvergne. Curieuse de nature, j’ai décidé d’en savoir plus car je trouvais ces pratiques étonnantes.
” j’ai interrogé les populations”
Je me suis donc rendue sur les sites éoliens les plus proches de chez moi, dans le Cantal, et j’ai interrogé les populations. Ce sont les agriculteurs qui sont peu à peu venus à moi pour me faire part de problèmes récurrents qu’ils rencontraient sur leur cheptel, depuis la mise en route des éoliennes : cellules dans le lait, baisse des matières grasses, veaux morts nés, déséquilibre entre les naissances mâle et femelle, et comportement étrange des animaux, avec notamment refus d’entrer dans les stabulation, refus de boire, décès nombreux et inexpliqués, etc…
” je suis restée au départ assez sceptique”
J’ai pris des notes, mais je suis restée au départ assez sceptique car les problèmes rencontrés n’étaient pas systématiques. Puis, peu à peu, j’ai mené l’enquête et j’ai décidé de publier les témoignages que je recueillais.
Je ne suis pas une scientifique, mais j’ai établi, au fur et à mesure de mes interviews des pistes de questionnement afin de lancer l’alerte : les promoteurs installent sur le territoire français des aérogénérateurs sans tenir compte de la parole des habitants. Pourtant, les relevés des laiteries, le nombre de décès d’animaux sur certains cheptels ne mentent pas. De façon empirique, j’ai par exemple pu constater que certains paramètres accentuaient le problème : nombreux câbles enterrés autour des bâtiments, phénomène d’encerclement par les éoliennes, stabulations en contrebas par rapport aux machines ainsi que présence de cours d’eau.
J’ai recensé les témoignages recueillis dans un gigantesque tableau et j’ai été interrogée par l’ANSES à ce sujet en février 2020. Cet organisme de santé publique en a conclu qu’une étude pourrait être menée. Mais actuellement, rien n’a bougé.
MDN: présentez-nous votre ouvrage
Le Prix du vent est construit autour de deux axes : il y a tout d’abord cette histoire, mon aventure face aux éoliennes, mes découvertes successives au cours de l’enquête, les surprises que je rencontre : je m’enfonce peu à peu dans un univers que je ne connaissais pas, et qui mêle savamment discours vert et gros sous.
“Le récit offre des pauses composées de fiches pratiques”
Le récit offre des pauses composées de fiches pratiques, que j’ai rédigées avec l’aide d’un agriculteur et d’un ingénieur. En effet, je me suis aperçue, que, comme tout le monde, je connaissais les vaches de loin, et j’ai voulu comprendre pourquoi elles étaient parfois en mauvaise santé au pied des éoliennes, comment l’électricité pouvait les déranger à ce point, comment les éleveurs gagnaient leur vie, quels montants on leur proposait pour qu’ils acceptent les éoliennes sur leurs champs…
“j’ai voulu offrir un roman graphique qui pourrait être lu facilement par qui que ce soit”

MDN: quelles sont, selon vous, les grandes catégories de conséquences recensées et détectées comme néfastes pour la santé?
L’objet de ce roman est de lancer l’alerte, et non de remplacer le travail des chercheurs. On me dit souvent que je ne suis pas scientifique, et c’est tout à fait vrai. En revanche, si personne ne dit haut et fort les problèmes rencontrés, alors quel chercheur se penchera sur ce qui est invisible ? Personne. Les agriculteurs doivent être entendus. Pour répondre à votre question, selon moi, il y a deux catégories de conséquences recensées : celles liées à l’électricité présente dans les sols autour de certains parcs, et la puissance des champs électromagnétiques et des sons très basses fréquences qui sont tout à fait sous-estimés.
Chez les humains, on constate des maux de tête, des acouphènes, des vertiges. Chez les animaux, les bêtes maigrissent sans raison, les reproductions sont difficiles, la production du lait chute.
MDN: le Nord et encore plus le Pas-De-Calais commencent à être cernés par les parcs éoliens. Comment les habitants peuvent-ils se manifester s’ils ressentent des effets secondaires inconnus avant l’installation d’éoliennes à leur proximité ?
Ils peuvent remplir un formulaire de réclamation ICPE, et l’envoyer en recommandé à la préfecture. Ce formulaire est gratuit, et il est proposé pour signaler un problème sur une installation industrielle, or les aérogénérateurs sont des usines électriques. Par exemple, les habitants de l’Aisne sont à ce jour plus de 250 à avoir rempli ce formulaire, et chaque jour la liste grandit.
MDN: Le Nord est également concerné par l’éolien en mer avec le projet (fou) de Dunkerque, si vous avez également des avis/ constats à ce propos, n’hésitez pas
Concernant l’éolien en mer, je ne peux malheureusement pas vous apporter mon aide, car les parcs n’étant pas encore installés, je ne peux pas encore recueillir la parole des pêcheurs au sujet de la faune animale. Mais on peut se poser la question : les coquilles Saint Jacques resteront-elles là où des forages sont en cours pour couler du béton ? Les poissons supporteront-ils les vibrations des machines ? Le monde sous-marin est-il insensibles aux basses fréquences ?
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Le miroir du Nord, 2022. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine