Lors de la crise sanitaire, la région, avait commandé des millions de masques. L’objectif premier de Xavier Bertrand: pallier les manques de matériels de l’Etat, énième opération pour tenter de concurrencer Emmanuel Macron.
Mais comme le révèle nos collègues de Médiacités, toutes les décisions prises pour parvenir à ce but sont aujourd’hui regardées de près par la justice. Entre des intervenants aux pratiques peu professionnelles et des doutes quant aux entreprises choisies pour fournir les masques, une enquête a été ouverte suite à un signalement auprès du procureur.
Des zones d’ombre et des questionnements qui justifient l’ouverture d’une enquête
C’est un élu du conseil régional, d’opposition, qui a compilé le dossier adressé au Procureur de la République. Charge à lui d’étudier la conformité et la pertinence des éléments fournis. En l’espèce, il a jugé que cela méritait l’ouverture d’une enquête.
Les éléments révélés sont stupéfiants. Intermédiaires, contrat de concession non connus des services de la région, stockage dans des ateliers pour cause de masques non distribués dans les temps. La justice a particulièrement bloqué sur ces informations. AMG Pro est une des entreprises choisies pour fournir les masques…sans appel d’offre. La période sanitaire, véritable situation d’urgence, permettait de passer outre cette procédure pour accélérer les opérations. Rien d’illégal.
Mais ce qui pose question est le rôle de l’intermédiaire d’affaires. Grégory Cordray oeuvre dans le milieu de la sécurité. Et qui était présent le 27 juin 2021 autour de Xavier Bertrand victorieux aux élections régionales. Il a été prévenu de ce marché par Eric Gavoille, chef de cabinet au conseil régional. La belle somme de 2 373 750 euros est versée à AMG pro dès mai 2020 et comme le précise l’article de Médiacités, au comptant…sans un masque fourni.
Ce qui intéresse la justice est particulièrement le montage opéré par Grégory Cordray. L’apporteur d’affaire reçoit alors 570 000 euros. Mais 30 000 euros arrivent dans les poches d’un autre intermédiaire, un prête-nom beauvaisien. Une manière de rendre les choses opaques, son nom n’apparaissant pas dans ce montage.
Une succession de décisions sur laquelle va enquêter la justice. La région, elle, se dédouane en avançant qu’elle n’était pas au courant de ces manoeuvres.
Elle a a aussi fait un droit de réponse à Médiacités, par l’intermédiaire de sa directrice générale des services…où est le cabinet du président dont plusieurs membres ont été actifs dans les contrats passés pour les masques?
Retour sur une course aux ambitions politiciennes
Mais si AMG a été appelé au secours, c’est que le premier choix de la région n’a pas réussi à tenir les objectifs. En mars 2020, la crise sanitaire frappe le pays. Des initiatives sont prises par des collectivités, des entreprises pour parer au manque de masques que l’Etat ne peut distribuer faute de stocks. Dans la région, notamment est lancé l’atelier Résilience. Dès le lendemain du 1er confinement, cette association est créée. Initiative gouvernementale aidée de donateurs privés qui étaient inconnus au départ de l’aventure. Par un article des Echos de décembre 2020, nous apprenons que c’est la famille Leclerc, autre branche de la galaxie Mulliez qui a notamment été donatrice pour 1 million d’euros.
Le Conseil régional, dès la mi avril, passe une commande ferme de 6 millions de masques à ce groupement nouvellement né. 9 millions versés directement dans les caisses de cette nouvelle organisation pour répondre à l’opération “un masque pour chacun” qui tenait tant à Xavier Bertrand. Objectif: fournir avant le 1er déconfinement un masque à chacun des 6 millions d’habitants. Ce fut laborieux voire une vraie déconfiture. Les livraisons se sont étalées jusque septembre 2020. Les salariés de Résilience étaient pour la plupart inexpérimentés. La région a donc dû passer par d’autres fournisseurs parfois bien plus onéreux.
La crise continuant, les masques désormais facilement accessibles, les salariés de Résilience se mirent à fabriquer des tee shirts…pour Décathlon qui appartient à la famille Leclerc, l’autre branche de la famille Mulliez. En octobre 2020, on apprend par la presse régionale que l’enseigne Jules est aussi intéressée. Les acteurs économiques et politiques parlent alors de relocalisation du textile.
Boucle bouclée
En mars 2020, les salariés du groupement résilience employés sont des personnes en difficulté et considérées comme loin du marché de l’emploi. L’économie sociale et solidaire priorise ces publics dans leurs entreprises et associations. Elles emploient même des personnes réfugiées moins qualifiées et rémunérées. Vitamine T, qui participe au programme national, en est un exemple. Sa filiale HOPE est un programme d’insertion des migrants. Vitamine T créé Confectio en avril 2020, structure spécialement dédiée à la fabrication de masques à Lesquin. A noter que Vitamine T a été l’un des grands projets du socialiste Pierre De Saintignon.
La crise sanitaire et la création du groupement Résilience ont elles été des opportunités pour la famille Mulliez de disposer de main d’oeuvre à moindre coût nouvellement formée pour la fabrication prévue des tee shirts? Cela explique t’il que le projet a pris une nouvelle forme et est devenue une usine de fabrication de jeans? Le don de 1 million d’euros pour la création du groupement Résilience était il seulement versé par philanthropie?
Constat: la famille Mulliez bénéficie d’une source d’employés à moindre coût, dont les structures employeuses sont largement financées par l’argent public. De plus, elle a été subventionnée à hauteur de 400 000 euros par la région du même montant par la MEL pour un autre projet qui semblait imprévu.
Grand nombre de politiques et d’entrepreneurs ont profité de cette crise sanitaire. Une manière aussi de comprendre pourquoi tout a été fait pour nous faire peur face à cette maladie.
Crédit photo : copie écran public sénat
Le miroir du Nord, 2023. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine