C’est un homme discret. On le croirait timide mais on ne parvient plus à l’arrêter dès lors qu’il évoque sa Flandre natale et la vie de son grand-père. Guide-conférencier dans la plus haute cité médiévale flamande mais également à Hazebrouck et Renescure et dirigeant de la société Historiquement vôtre, qui vise à assurer la promotion de l’Histoire et du patrimoine flamands, Guillaume Declerck vient de publier son premier ouvrage. Une histoire qui lui tient nécessairement à cœur puisqu’il s’agit d’une biographie de son grand-père, Marcel Bailleul, qui s’engagea dans l’armée française aussitôt que les forces militaires allemandes quittèrent la région en septembre 1944 et prit soin de noter quotidiennement ses déplacements et aventures. De Zuytpeene à la Touraine, en passant par Sigmaringen, c’est à un long périple de plusieurs milliers de kilomètres que l’auteur nous invite, sur les traces de Marcel Bailleul du 17ème régiment du Génie.
MDN: Guillaume Declerck, la question est évidemment banale, pourquoi avez-vous souhaité publier les récits de votre grand-père dont on célèbre le centenaire de mois-ci ?
Tout simplement pour lui rendre hommage, depuis petit j’ai été bercé par les histoires de mon grand-père, de sa jeunesse durant cette période compliquée de notre histoire, et par-dessus tout pour marquer le coup de ses 100 ans, qu’il aurait eu le 3 mars 2023. Et également pour ma famille, qui m’a soutenu dès le début dans l’idée de mise en route de ce projet.

MDN: A la lecture des pages évoquant l’enfance de votre grand-père, vous invitez le lecteur à une douce plongée dans l’histoire de la Flandre rurale de langue flamande de la première moitié du 20ème siècle. Marcel Bailleul parlait-il flamand ? Quel était son rapport à sa terre natale ?
Oui mon grand-père parlait le flamand, étant originaire de Bavinchove, au pied du mont Cassel, il parlait naturellement la langue de nos ancêtres. Souvent j’ai pu l’entendre converser en flamand avec ma grand-mère ou lors de visites chez des membres de ma famille.
“j’entendais à la radio Uylenspiegel des émissions dans une langue que je ne connaissais pas mais qui avait le don de faire sourire et rire mes grands-parents”
J’ai le souvenir d’après-midi ou lorsque je me rendais chez mes grands-parents j’entendais à la radio Uylenspiegel des émissions dans une langue que je ne connaissais pas mais qui avait le don de faire sourire et rire mes grands-parents. Il aimait profondément sa terre natale, il y était très attaché. Il est l’ainé de sa famille, le seul garçon entouré de ses 5 sœurs, et même si il a quitté Bavinchove pour Hazebrouck, il aimait retourner chez ses parents (mes arrières grands-parents Maurice et Euphrasie que je n’ai pas connus) dans la ruelle des écoles à Bavinchove.
MDN: Civil occupé puis engagé volontaire, quelle fut la guerre de Marcel Bailleul ? Pourquoi a-t-il souhaité incorporer l’armée alors que son pays flamand venait d’être libéré ?
Il a vécu le second conflit mondial de manière frontale, surtout lors de l’accélération des événements de mai 1940. Bavinchove étant situé au pied du mont Cassel, il a vécu de plein fouet les combats terribles qui opposèrent Britanniques et Allemands au sein même de la commune. Il a d’ailleurs plusieurs souvenirs marquants comme ce jour où un officier allemand a toqué à la porte de mon arrière-grand-père, cherchant nerveusement des soldats britanniques. Mon arrière-grand-père a tenu tête à cet officier de la Wehrmacht en jouant sur la corde sensible des enfants, qui bien entendu étaient apeurés par cet homme.
Mon grand-père m’a souvent raconté qu’il se souviendrait toujours de son regard tourné vers lui et ses sœurs, qu’il tentait de protéger du mieux qu’il pouvait, et cet officier salua mon arrière-grand-père et tourna les talons. C’est un souvenir parmi tant d’autres et son engagement pour la Libération de la France et de l’Europe du joug nazi est une démarche sincère car il avait vécu, comme beaucoup d’autres, ces affres et l’occupation pendant plus de quatre longues années et pour lui il était inconcevable que d’autres hommes, femmes et enfants puissent subir la tyrannie et l’oppression alors qu’il vient d’être “ libéré “ de l’emprise hitlérienne en Flandre.
MDN: La guerre conduit votre grand-père jusque Sigmaringen dans le Bade-Wurtemberg, village emblématique de la Collaboration française, qui accueillit jusque les tous derniers jours du conflit le Maréchal Pétain, Pierre Laval, de nombreux ministres, les collaborateurs les plus notoires, des membres de la Milice mais encore l’écrivain Louis-Ferdinand Céline. Comment votre grand-père percevait-il les Allemands ou ces Français qui avaient choisi une autre cause ?
C’est assez paradoxal car le point de vue de mon grand-père vis à vis des Allemands était très subjectif : pour lui les Allemands subissent l’oppression du national-socialisme, même s’il n’a jamais caché que la plupart ont adhéré à la cause nazie. C’est lui le premier qui m’a parlé de la résistance allemande contre les nazis avec l’exemple de ce mouvement “ La Rose Blanche “, fondé à Munich (en Bavière) en 1942 et qui longtemps a été méconnu du grand public. Tous les Allemands n’étaient pas nazis et il est bon de le rappeler aujourd’hui encore.
Pour ce qui est de la France collaborationniste, il a souvent parlé de Pétain en se moquant de lui, en incluant le régime de Vichy en entier et ses fanatiques. Le Nord-pas-de- Calais ayant été coupé du reste de la France, rattaché au commandement militaire de Bruxelles entre 1940 et 1942. Il parlait donc des collabos français sur le ton de la moquerie et de la dérision.
MDN: La dernière partie de votre ouvrage incruste l’histoire des feuillets qui constitueront le livre que vous éditez dans votre histoire familiale plus contemporaine. Quel message Marcel Bailleul veut-il léguer à sa famille et au Monde ?
Un message de paix de tolérance, de respect envers les peuples et les nations, d’acceptation et de bienveillance. Et du plus beau des sentiments : l’amour. L’amour pour ses enfants, ses petits-enfants et arrière-petits-enfants.
MDN: Une dernière question qui ne concerne plus votre ouvrage. Vous êtes un infatigable promoteur de l’Histoire et de la langue flamande, quelles sont vos activités professionnelles et associatives pour faire découvrir le particularisme de la Flandre française au plus grand nombre ?
Depuis septembre 2020, je suis gérant de la société Historiquement Vôtre qui a pour but la promotion de l’histoire flamande, de sa culture par le biais de visites guidées théâtralisées (à Cassel et Renescure) où j’interprète le personnage du “ Seigneur de Cassel” ayant combattu aux côtés de Robert le Frison en 1071 et de visites “ classiques “ axées Seconde Guerre mondiale à Hazebrouck et prochainement à Hondeghem. Je suis donc guide touristique, diplômé d’Etat et également conseiller en séjour touristique au sein de l’office de tourisme Destination Cœur de Flandre lors des saisons estivales (cela depuis l’été 2020).
“J’écris également énormément de contenus divers et variés dont dernièrement un court métrage qui sera tourné à Cassel, Bailleul et Hazebrouck dans le courant du mois de mai”
J’écris également énormément de contenus divers et variés dont dernièrement un court métrage qui sera tourné à Cassel, Bailleul et Hazebrouck dans le courant du mois de mai avec l’aide de l’association Focus Films et de son président Gauthier Boulier et son vice-président Paul Lenoir, respectivement réalisateur et acteur professionnel. J’ai également mis en place une journée de conférences dédiée à la Flandre en novembre 2021 à la Friche d’Hazebrouck où j’ai pu réunir des grands noms du monde culturel et associatif flamand. Les projets à venir ne manquent pas et Historiquement Vôtre continue son petit bonhomme de chemin, tout en gardant son état d’esprit, typiquement flamand de partage, de transmission. J’aime notre terre de Flandre de manière viscérale, à mon modeste niveau j’essaye de la mettre en avant et je suis fier aujourd’hui de dire que je suis flamand !
Guillaume Declerck, merci !
DECLERCK Guillaume, Moi Marcel, 17e régiment du Génie, Chez l’auteur, 2023, 73 p., avant-propos de Jacques Messiant
Pour faire l’acquisition de l’ouvrage :
-Par le biais de l’auteur : Guillaume Declerck : guillaumedeclerck5@gmail.com,
-Dans les dépôts ventes suivants :
- La Maison de la Bataille 1677 à Noordpeene Le Marais du Livre à Hazebrouck,
- la galerie d’art Le Passage à Cassel Racines à Cassel
- Aux Caves de Cassel
- Dans les 3 offices de tourisme de Bailleul , Cassel et Hazebrouck
Crédit photo: DR
Le miroir du Nord, 2023. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine