Une collectivité délègue fréquemment certains services aux usagers qu’elle ne peut pas assurer elle même. A Arras, la communauté urbaine ne gère pas en direct ni les transports urbains gérés par la société Kéolis, ni l’espace aquatique privé, qu’est l’Aquaréna.
La chambre régionale des comptes a publié un rapport sur la communauté urbaine d’Arras relatif
exclusivement à l’impact de la crise sanitaire sur deux délégations de service public que sont les transports et le centre aqualudique.
Quelles sont les conclusions des magistrats financiers? Les contrats passés entre les parties sont ils équilibrés? Ont ils continué à l’être dans une période qui a mis en difficulté nombre d’entreprises? L’enquête a été menée en comparaison avec les années 2016-2019.
La principale conclusion est que la CUA a préservé ses 2 partenaires mais que cette façon de faire a abouti à des résultats différenciés. En terme d’impact vis à vis des usagers, les utilisateurs de l’Aquaréna ont été fortement impactés par des fermetures à répétition. Le centre aquatique a même été fermé pour des raisons techniques indépendantes du covid.
Transports urbains: Kéolis remercié par la CUA
La chambre régionale des comptes met en exergue une offre de transports dense et la volonté de la CUA de donner les moyens à son prestataire d’assurer ses missions le mieux possible. L’activité est restée élevée compte tenu du nombre élevé de salariés travaillant dans l’agro alimentaire non concerné par la crise. Les dessertes vers ces entreprises ont été fortement développées et cela a fonctionné. En revanche, à partir de mars 2020, certaines lignes ont été réduites en nombre de dessertes.
Des largesses démontrées
La chambre fait les observations suivantes montrant la largesse de la CUA via à vis de Kéolis:
- qu’alors que l’offre kilométrique était réduite de 11 %, la CUA n’a pas procédé à un ajustement du montant de la contribution financière versée annuellement. Elle aurait pu la diminuer à la hauteur de la baisse du nombre de kilomètres assurés
- un déséquilibre dans l’apport de chacune des parties. Alors que la CUA investit des millions par an pour des nouveaux matériels, aucune mesure n’est mise en place pour constater la performance économique de sa délégation. Or, compte tenu de ces investissements élevés et de la contribution versée, une clause d’intéressement à la performance économique de la délégation assurerait un meilleur équilibre des intérêts respectifs des parties.
- alors que les résultats financiers 2020 de Kéolis ont été supérieurs aux prévisions en contexte covid, le délégataire a fait supporter à la CUA le maintien du salaire à ses salariés. Or, les frais de Kéolis, exception faîte de l’achat d’équipements de protection, de gel hydroalcoolique et du déploiement numérique d’achat de billets en ligne. Le gain d’exploitation s’est élevé en 2020 à un peu plus de 200 000 euros. Sans la générosité de la CUA, il aurait pu atteindre 300 000 euros.
Elle invite la CUA à renégocier les termes du contrat avec Kéolis pour être partie prenante de la performance économique de la délégation. Cela équilibrera le contrat en faveur de la collectivité arrageoise.
Aquaréna, l’épine dans le pied de la collectivité
Le centre aquatique arrageois a ouvert ses portes il y a bientôt 10 ans. Inauguré en grandes pompes, il était un des symboles du nouveau visage de la ville. Mais très vite, les problèmes se sont accumulés. Des malfaçons de conception et construction conséquentes ont été rapidement constatées du fait de décisions hasardeuses de l’architecte de départ, Alain Sarfati:
- bassin inadapté
- problèmes d’étanchéité
- revêtement inadapté
Cela avait abouti dès juillet 2013 à une saisine du tribunal administratif de Lille pour faire constater ces malfaçons. L’établissement ferme ses portes pour de longs mois en septembre 2017. Mais ces dysfonctionnements sont restés récurrents. Au point qu’un collectif d’usagers s’est monté pour dénoncer panne du sauna, hammam défaillant, service pas toujours au rendez-vous. Mais c’est aussi l’aspect humain qui pose problème. La direction a une attitude méprisante et ne répond en rien aux revendications des clients. Son exploitant est l’entreprise Récréa.
Comment la chambre régionale des comptes a jugé la relation contractuelle entre les 2 parties? Le ton est donné ” une délégation de service public onéreuse pour la CUA”. Les constats sont les suivants:
” une délégation de service public onéreuse pour la CUA”
- la compensation financière forfaitaire versée par la CUA a été adaptée plusieurs fois pour assurer l’équilibre du service et éviter un déséquilibre économique du contrat. Pire la compensation financière de 2016 a été appliquée selon les termes d’un avenant signé en 2017. Sans cela, les conditions n’auraient pas permis un contrat bénéficiaire au prestataire. Sur ce point, la CRC tacle la CUA sévèrement la CUA en lui adressant un rappel au droit qui sera obligatoire dans son application. Le versement des compensations doit être inscrit et voté par les élus. Le cabinet conseil engagé par la CUA avait détecté ce dysfonctionnement.
- La CUA n’a pas appliqué à Récréa une redevance d’occupation du domaine public pourtant obligatoire. A la place, c’est une prime d’intéressement qui a été appliquée. Le délégataire verse cette prime si son résultat est meilleur que le résultat prévisionnel fixé entre les 2 parties. Compte tenu des dysfonctionnements connus, Récréa a été gagnant.
- une prise en compte insuffisante de la qualité client
- une vision prudente de la CUA dans les aides accordées dans le contexte de la crise sanitaire. L’aide accordée a correspondu aux pertes dues exclusivement au covid. Cependant, la CUA a tout de même versé des compensations financières qui n’étaient pas du pour un montant de 170 681 euros.
La CUA aura l’occasion de régler les problèmes actuels par le renouvellement du contrat de délégation de service public en juin 2022. Récréa sera mis en concurrence avec d’autres entreprises.
Crédit photo: wikipédia
Le miroir du Nord, 2022. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine