Roger Salengro naît à Lille le 30 mai 1890 ; il passe son enfance à Dunkerque. Bachelier à 17 ans, il suit ses études à Lille (au lycée Faidherbe), à Paris (lycée Lakanal), puis à nouveau à Lille. C’est à la Fac de Lettres qu’il s’inscrit au Parti socialiste en 1909 (il a alors 19 ans) et fonde un groupe d’étudiants collectivistes.
Volontaire pour partir sur le front en 1914, il participe aux combats d’Artois et de Champagne. Le 7 octobre 1915, il est fait prisonnier. Il est interné au camp de Grafenwöhr puis de Amberg, puis dans la forteresse de Cottbus.
A sa libération en 1918, il reprend sa vie active comme journaliste à Lille. C’est alors qu’il se lance dans la vie politique. Elu conseiller municipal de Lille en 1919 et conseiller général du canton Lille sud-ouest. Il devient secrétaire administratif de la Fédération socialiste. Il entre dans le cabinet de Gustave Delory, auquel il succède à la mairie de Lille en 1925. Réélu à la mairie en 1929 et en 1935, il est élu député en 1928, 1932, 1936. En 1936, il est appelé comme ministre de l’Intérieur du Front Populaire.
En juillet 1936, une campagne de presse l’accuse d’avoir déserté en 1915. Il supporte mal la calomnie. Bien qu’innocenté, sa vie est brisée. Epuisé, malade, seul, Roger Salengro se suicide dans la nuit du 17 au 18 novembre 1936. Le 22 novembre, un million de personnes assiste à ses funérailles. Voilà ce que retient sa biographie.

Il affirma toujours bien haut son identité flamande et son attachement à son peuple
Roger Salengro fut un grand maire, mais ce fut aussi un grand Flamand, qui affirma toujours bien haut son identité flamande et son attachement à son peuple, alliant la tradition de justice sociale et la volonté de faire de la capitale des Flandres une métropole moderne.
« Les pénibles circonstances de cette mort ont attristé l’opinion régionale unanime et endeuillé l’âme de la Flandre » peut-on lire au lendemain de sa mort dans la revue « Le Lion de Flandre » qui rappelle combien, au cours de sa vie, il a honoré son pays : « En Roger Salengro, la Flandre perd l’un de ses fils les plus conscients et les plus dévoués […] Il fut, avec l’abbé Lemire, l’un des rares députés du Nord qui aient aimé à se proclamer Flamands […] Des élus lillois, Roger Salengro est certainement l’un des premiers à faire cesser l’incognito qui pesait sur la Flandre, à introduire dans le vocabulaire de l’éloquence publique, au lieu du mot impersonnel et terne de Nord, celui de Flandre ».
Léon Blum lui rend hommage à ses funérailles
Dans le discours prononcé à ses funérailles, Léon Blum s’adressant aux Lillois déclare : « Nous sentons qu’il vous appartenait plus qu’à nous. Militant, député, ministre, mêlé à toutes les grandes affaires de l’action socialiste et de la vie politique, il était resté votre Roger, le Flamand, le Lillois. Il faut être venu ici, l’avoir vu au milieu de vous, pour le connaître et pour le comprendre tout à fait… Ses qualités maîtresses étaient celles de votre race : le sang froid, la ténacité, la bravoure, la bonté ».
Au nom de Roger Salengro est liée la construction de l’Hôtel de Ville. Le 3 mars 1929, lors de la cérémonie de la pose de la première pierre du nouveau beffroi, Roger Salengro déclare : « Toute notre ville sera fière de ce monument qui attestera notre volonté flamande d’indépendance farouche. Ce sera notre tradition de franchises communales qui se perpétuera à travers les siècles ». Lors de l’inauguration de l’Hôtel de Ville (à l’architecture flamande triomphante) il affirme bien haut le titre de capitale des Flandres de sa ville, qu’il fait abondamment décorer du drapeau au lion. Ce drapeau au lion que ses lointains successeurs s’ingénient à faire disparaître.
O, Roger, fasse que ton esprit souffle à nouveau sur le beffroi…et sous le beffroi.
AW
Le miroir du Nord, 2022. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine