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Erratum: propreté des villages et préservation de la nature : entre incurie des habitants et faillite des collectivités

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Athies et Feuchy sont deux petits villages de la campagne arrageoise qui cumulent à peine deux milliers d’habitants à eux deux. Alors Michel a souhaité que son nom soit modifié car tout se sait dans son petit village.

Depuis deux décennies qu’il habite le Nord-Est d’Arras, Michel prenait plaisir à se promener plusieurs fois par semaine dans le marais des deux communes. Mais Michel est de plus en plus las de ses balades. La légende veut que chacun se soit réapproprié le kilomètre carré autour son domicile pendant le confinement. Michel constate qu’en matière de réappropriation, il conviendrait plutôt de parler de dégradation. Car le regard de Michel est désormais davantage happé par les détritus qui parsèment le marais que par la faune qui fréquente les lieux. Pire, il y a quelques jours, la foulée de notre sémillant retraité s’est stoppée net lorsqu’il a bien fallu contempler le désastre. Espacé par bandes sur plusieurs dizaines de mètres, du béton concassé a été utilisé comme matériau pour consolider les berges jugées instables. C’est ignoblement laid et stupidement antiécologique quand bien même s’agirait-il de béton recyclé.

Michel est aussi attristé que furieux. Alors il a convié Le Miroir du Nord à se dégourdir les jambes.

Cet article paraîtra certainement bien sévère aux maires, conseillers municipaux, services techniques et habitants des villages d’Athies et Feuchy. Evidemment que c’est partout pareil et il y a même pire, c’est vrai ! Et c’est bien le problème… Car comme l’écrivait le philosophe et théologien du IVème siècle Saint Augustin, « A force de tout voir, on finit par tout supporter. A force de tout supporter, on finit par tout tolérer. A force de tout tolérer, on finit par tout accepter, à force de tout accepter, on finit par tout justifier. »

Parsemées de nombreux marais s’étendant sur plus de dix hectares et bordées par la Scarpe, les communes d’Athies et Feuchy bénéficient d’un patrimoine naturel appréciable. Quant aux villages, s’ils furent quasiment rayés de la carte pendant la Première Guerre mondiale, ils possèdent quelques atouts architecturaux, notamment Feuchy qui aligne nombre de splendides et majestueuses fermes. Le cimetière herbacé est atteint et Michel au rendez-vous. C’est parti pour une heure de promenade.

Du béton pour consolider les berges des marais

Pour rejoindre le marais, il suffit de traverser la route non sans avoir auparavant déjà constaté que les guirlandes de Noël « décorent » toujours le village. A peine sommes-nous descendus dans le marais que le constat est effectivement effarant. Si les berges du marais de Feuchy sont évidemment soumises à l’érosion due, entre autres choses, au piétinement, comment a-t-on pu avoir l’idée d’utiliser du béton pour les consolider plutôt que des végétaux naturels comme l’écorce de pin en paillage ? Malgré le charme du site, rien ne semble être réellement fait pour le préserver. Trois poubelles en quelques dizaines de mètres et c’est tout. Alors les promeneurs les plus indélicats apportent naturellement leur néfaste petite touche à la décoration des lieux. Personne ne semble non plus manifester le vœu de les mettre en valeur.

Passons sur les poteaux électriques en béton armé qui, désormais renversés, font office de passerelle. Aucun panneau pédagogique ne sensibilise le promeneur sur la nécessité de protéger les lieux qu’il s’apprête à pénétrer. De la même manière qu’aucun écriteau ne renseigne le marcheur de 7 à 77 ans, selon l’expression consacrée, sur la riche faune qui habite l’endroit : poules d’eau, foulques, grèbes, cormorans, cygnes, martins-pêcheurs, fauvettes à tête noire, hérons cendrés, oies, papillons, orvets et bien d’autres espèces et si vos balades sont davantage nocturnes : chouettes, hérissons ou crapauds. 

Des déchets présents parfois depuis des mois

Allons donc, il ne faut pas exagérer ! Le marais de Feuchy et Athies n’est pas encore un dépotoir mais les déchets s’accumulent : emballages divers, papiers en tous genres, masques chirurgicaux, bouteilles en plastique, cannettes en verre… L’état de dégradation de certains détritus indique qu’ils ne jonchent pas le sol ou les fourrés depuis hier… Les lieux sont pourtant fréquentés par de nombreux pêcheurs naturellement davantage concentrés sur leur ligne. Mention spéciale à celui d’entre eux qui, en témoignent les traces pneumatiques sur l’herbe, semble se délecter de rouler sur le tapis de verdure, écrasant la flore, plutôt que sur le chemin de terre carrossable dédié au passage des véhicules. 

Le marais de Feuchy et Athies n’est donc pas une déchetterie et nous ne doutons aucunement que les municipalités manquent de moyens mais on semble surtout manquer d’ambition… Michel nous quitte avant que nous nous dirigions vers Athies.

Il est désormais temps de gagner la Scarpe par le chemin de halage derrière l’ancienne huilerie T. Griffiths & Fils. L’endroit est apprécié par les joggeurs. Stupeur ! Immédiatement après le trottoir et largement visible depuis la route principale, une bâche jaune d’une superficie de plusieurs mètres carrés est enroulée autour d’un poteau, patientant sagement que le vent se charge de la jeter à l’eau, à proximité du lieu d’habitat et de couvée d’une colonie de plusieurs dizaines de poules d’eau. Un passant que nous questionnons nous confirme que la bâche est fichée là depuis plusieurs semaines. Il confesse qu’il n’aura jamais eu l’idée de l’enlever. Les autres promeneurs non plus de toute évidence. Les services municipaux pas davantage… Il y a bien quelqu’un qui prendra sa responsabilité un jour se dit-on… Elle sera évidemment enlevée par nos soins.

Les masques chirurgicaux polluent l’environnement

Tout au long de la rivière, des détritus, principalement des emballages de papier, attendent de polluer la rivière. Autour d’une poubelle, des cannettes de bière en métal, jaunies par le Soleil, trahissent le fait qu’aucun nettoyage n’a été entrepris depuis des mois, si ce n’est plus. Et encore quelques masques chirurgicaux, très certainement le déchet le plus révoltant… A quoi bon se contraindre de s’affubler de pareil accoutrement s’il s’agit de s’en délester ou de le perdre en milieu naturel ?…

A la limite du marais de Fampoux, nous revenons par le village de Feuchy. Le patrimoine architectural fermier est réellement impressionnant. D’immenses murs de briquent rouges, pareilles à des murailles, accompagnent nos pas. Rue d’Arras, la palme de la saleté revient à une pente végétale fendue de plusieurs escaliers qui mènent aux maisons. On dirait un musée du déchet dont la collection ferait pâlir le centre de tri voisin géré par le Syndicat mixte Artois Valorisation. Un peu plus loin, le cadavre d’un merle mort jonche le trottoir. De toute évidence, le volatile git là depuis plusieurs semaines…Un petit détour enfin par l’église. Elevée au sommet d’une petite montée en pavés, elle s’impose majestueusement sur le village. Il est désormais temps de regagner la voiture à l’aide d’un chemin piéton bordé par un bois. C’est sale…

Une responsabilité portée par tous

Nous aurions pu aller au-delà du simple constat et déterminer des responsabilités en fouillant l’indigeste mille-feuille administratif français : services départementaux, communauté de communes, mairie, services municipaux, administrés, garnements pas élevés ni éduqués, promeneurs du dimanche peu soucieux, sociétés de pêche…. Mais nous ne le ferons pas. Cette faillite est commune. Elle est la responsabilité de tous. A Feuchy, à Athies, comme ailleurs, il incombe à chacun de balayer devant sa porte.

Crédit photo: DR

Le miroir du Nord 2023. dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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