Il dit de lui-même qu’il est un « voyageur-écrivain » converti en « écrivain-voyageur », Frédéric Andreu naît en 1970 et suit des études de Lettres à l’université Lyon III. Passionné par le sport et la nature, il s’est occupé d’un relais de montagne pour pèlerins et randonneurs lorsqu’il n’a pas le nez dans les livres. Après sept ans d’accueil, il aspire à changer d’orientation. Déjà auteur de deux récits de voyage : Vélodyssée en Terres nordiques et Voyage au bout de Céline, il vient de publier chez Les Impliqués, filiale de L’Harmattan, Les Brumes de Groningue. Initialement adepte de la marche à pied, Frédéric Andreu est désormais converti à la pratique du cyclisme.
MDN: Frédéric Andreu, parlons tout d’abord vélo puisque ce moyen de locomotion introduit votre roman. Quel est votre attachement à la pratique du cyclisme ?
Il existe plusieurs types de cyclisme. A côté du cyclisme visant la performance, très pratiqué en France, il en existe un autre visant l’autonomie. Ce «cyclisme de voyage» ou «cyclo-camping» vise à sortir de sa «zone de confort» et explorer les réalités locales de la terre. Dans la pratique, on se rend compte que la bicyclette déroule une géographie toute autre que celle de l’automobile prisonnière de l’asphalte.
MDN: Votre évocation des immenses plaines humides de la province néerlandaise de Groningue n’est pas sans rappeler le pays de Brière, cher à Alphonse de Châteaubriant. Écrit pendant que la France est confinée, la liberté qui se dégage de vos pages contraste avec l’enmurement subi par les Français, Les Brumes de Groningue invitent-elles à une révolte contre le monde moderne ?
Il n’y a pas de texte sans contexte… L’aventure que vous décrivez s’est en fait joué en quelques heures ! A l’annonce officielle du confinement sanitaire de l’hiver 2020, je me suis trouvé devant un choix radical : soit, je faisais provision d’antidépresseurs et restait enfermé entre les quatre murs de mon appartement ou bien je prenais la poudre d’escampette ! Je fis le second choix. Au terme de quelques jours à bicyclette pour le moins rocambolesques et la traversée de deux frontières, je trouvais refuge dans une ferme isolée des Pays Bas. Les premières pages de mon ouvrage relatent cette arrivée non moins rocambolesque chez celui qui allait de venir le personnage principal de mon récit.

Ce livre invite-t-il pour autant à «une révolte contre le monde moderne» ? Je ne sais pas si le livre invite à quoi que ce soit, sinon au voyage décalé qu’est la lecture ! En revanche, il est certain que l’auteur invite, comme avant lui René Guénon, à une «révolte contre le monde moderne» ! Lorsque j’y pense, je me dis que ce monde là est déjà un confinement en soi et la masse de normes coercitives qui encombrent nos espaces extérieurs comme intérieurs semblent me donner raison.
Bref, le confinement quotidien est déjà difficile à supporter, alors un confinement dans le confinement sous prétexte sanitaire, non merci !
MDN: L’ombre de Robert Brasillach traverse votre livre. Quel rôle l’écrivain maudit tient-il dans votre ouvrage ? Présentez-nous l’intrigue.
Rappelons tout d’abord que le narrateur frappe à la porte d’une ferme isolée un soir d’hiver… Dès l’entrée dans la ferme, il est surpris par un tableau accroché au mur qui lui donne la «puce à l’oreille». D’autres péripéties se déroulent et avec elles d’autres indices… Comme ces initiales AB inscrites sur l’écorce d’un arbre des environs qui se révèlent être celles d’Agnès Brasillach, mère de notre hôte. C’est à ce moment-là où «l’ombre» de Brasillach apparaît en effet dans le roman !
Les «Brumes de Groningue » sont au sens propre les brumes laiteuses qui recouvrent le paysage en hiver. Au sens figuré, ce sont ces secrets de famille qui finissent, tôt ou tard, par être découverts.
MDN: A travers cette « quête initiatique » à la recherche de la figure de Brasillach, mais nous n’en écrirons pas davantage, vos personnages plongent dans la période trouble de la Seconde Guerre mondiale. Pourquoi évoquer la Collaboration aux Pays-Bas ?
Je me suis retrouvé devant une difficulté : rendre compte de la présence de cette Agnès Brasillach aux Pays Bas. Pour se faire, j’ai imaginé la scène suivante : des soldats récupèrent une enfant en bas âge au milieu d’une maison éventrée par des bombardements. Ces collaborateurs néerlandais rentrent aux Pays Bas et confie cette enfant rescapée aux bon soins d’une famille de paysans.
Par la suite, j’ai appris que de telles divisions collaborationistes ont fait florès un peu partout dans l’Europe occupée. Aux Pays Bas, elle s’appelait « NSB ». Aujourd’hui, cela nous semble à peine croyable, pourtant, pendant la Seconde Guerre Mondiale, l’équation politique était à la fois complexe et simple : ceux qui ne voulaient ni du «Tout Marché» américain, ni du «Tout État» promu par l’Union Soviétique, se sont tournés vers l’Allemagne nazie. Pour quelle raison ? Non parce qu’ils étaient des nazis fanatiques, mais parce que l’Allemagne représentait à l’époque – ou du moins prétendait représenter – une «troisième voie».
MDN: De nombreux mots néerlandais parsèment, ça-et-là, votre texte. Quel lien entretenez-vous avec la langue néerlandaise ? Le mouvement flamand de France réclame son apprentissage dans les établissements scolaires des Pays-Bas français, en lien avec la connaissance du dialecte flamand. Êtes-vous favorable à l’enseignement des langues régionales et des langues standards des pays voisins ?
J’ai tissé (avant, pendant, et après ce périple à bicyclette) de nombreux liens avec les Pays Bas et ses habitants. J’apprécie le pragmatisme des Hollandais qui manque parfois aux Français.
Quant à l’apprentissage du flamand, comme des autres langues régionales, je suis pour. En fait, à côté du modèle centralisateur à la Française, il en existe un autre symétriquement contraire : le modèle suisse. A ma connaissance, c’est le seul modèle qui permette une articulation de type organique entre localisme, région et nation. Par voie de conséquence, les Suisses parlent deux, voire trois langues quand les Français n’en parlent qu’une.
MDN: La fin du récit laisse, sauf erreur, entrevoir une suite, pouvez-vous en dire plus ?
En effet, la fin laisse un peu le lecteur sur sa faim – si j’ose dire ! On se demande bien si notre cher hôte Wilhelm va tenter l’aventure et se rendre à Paris ? Il a tellement envie de rencontrer ses cousins et cousines qui viennent rendre chaque année hommage à Robert Brasillach au cimetière de Charonne ! Mais se confronter à son passé n’est pas chose facile…
Un dernier mot : « AB », les initiales de Agnès Brasillach sont aussi celles de Anne Brassié, la biographe de Robert Brasillach. Synonymie qu jouera un rôle la résolution de l’énigme finale de l’histoire.
Frédéric Andreu, merci !
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