Il y a quelques jours, sur RTL, Thérèse Clerc, présidente de la l’Association pour le Développement de l’Enseignement de l’Allemand en France était invitée. Elle était appelée à témoigner sur la baisse du nombre d’élèves choisissant la langue allemande à l’école. En 1994, 651 000 élèves étaient comptés, ils ne sont plus que 150 000 aujourd’hui. L’espagnol est largement passé devant.
Ce phénomène est encore bien plus inquiétant dans notre région avec l’enseignement du néerlandais.
Pascal Praud, l’image parisianiste
La réponse de Pascal Praud est déconcertante pour expliquer la baisse de l’attrait pour la langue allemande. Selon lui, l’enseignement de l’allemand ne sert à rien. Selon lui on parle allemand en Allemagne !
En bon parisien d’adoption, Pascal Praud n’a que la langue anglaise dans la bouche. Il n’imagine même pas l’utilité pour la vie professionnelle future des enfants de recourir à cette langue. Or, comme lui indique Thérèse Clerc, elle est la seconde langue la plus sollicitée dans les recherches d’emploi.
Cela n’est pas étonnant. L’Allemagne est le premier partenaire économique, politique et culturel européen des autorités françaises. La langue allemande est donc forcément sollicitée.
Une question de choix politiques
Si aujourd’hui le nombre d’élèves suivant des cours d’allemand est en baisse, cela relève de la faute des pouvoirs publics centraux qui ont privilégié à haute dose l’anglais. Cela est aussi le signe supplémentaire du jacobinisme français. L’espagnol est aussi fortement développé, considéré comme plus accessible à un plus grand nombre. L’enseignement de l’arabe, quant à lui, gagne du terrain, le public demandeur étant de plus en plus présent dans l’hexagone.
En Alsace, d’autres choix ont été faits et bien meilleurs pour l’avenir des petits Alsaciens. Ces derniers sont beaucoup plus sensibles à la langue allemande que nos petits flamands peuvent l’être du néerlandais. Les effectifs dans l’enseignement secondaire en Alsace démontrent une répartition presque égale entre anglais et allemand.

A ces chiffres, on comprend que la politique volontariste de l’Alsace amène plus de la moitié des élèves apprenant l’allemand à se trouver dans ces territoires.
Cela s’explique par une sensibilisation effectuée très jeune auprès des enfants. Mais aussi des moyens mis en place notamment par la possibilité de suivre un cursus bilingue à l’école. Cette voie attire de plus en plus de parents.

Comme le signale Thérèse Clerc, Pôle Emploi est en recherche de personnes connaissant la langue. En consultant le site, plus de 150 annonces en cours dans le Bas Rhin et le Haut Rhin demandent cette compétence.
Mais en France, ce choix de privilégier l’apprentissage des langues a été mis de côté, exceptions faîtes pour l’anglais et plus récemment pour l’espagnol. La conséquence principale est désastreuse pour l’emploi. Nombre de français ne peuvent à la fois ni travailler en France avec des partenaires parlant une autre langue ni à l’étranger, ne maîtrisant pas une autre langue.
Avoir appris l’allemand a permis à 44 000 Français de travailler en Allemagne et à environ 120 000 autres de travailler au Luxembourg, où l’allemand est une des langues officielles.
Quid en Flandre?
Comme nous vous l’évoquions à plusieurs reprises, les décideurs politiques régionaux ont adopté le même schéma. L’enseignement du néerlandais a été mis de côté, Martine Aubry s’inscrivant comme chef de file de cette prise de position.
Pourtant, de l’autre côté de la frontière, les offres d’emploi destinés aux flamands de France ne manquent pas. L’économie flamande est la plus productive d’Europe. Elle est celle qui a le moins souffert des dernières crises économiques. Ses entreprises recherchent fréquemment des salariés bilingues. Pour cela, elles sont prêtes à investir sur des profils motivés et leur permettre d’apprendre le néerlandais. En 2019, plus de 24 000 personnes traversaient la frontière pour aller travailler en Belgique. Elles pourraient être largement plus selon les employeurs flamands déconcertés face à l’absence de maîtrise du néerlandais.
Dans notre région qui connaît le taux de sinistre économique le plus conséquent, une politique volontariste envers l’apprentissage du néerlandais aurait limité le problème. Le taux de chômage reste toujours au-dessus des normes nationales. Mais comme pour beaucoup de domaines économiques et sociaux, la France se retrouve empêtrée dans ses considérations jacobines aujourd’hui doublées de bien-pensance. Préférant ainsi sacrifier le futur des jeunes générations.
Crédits photo : The War illustrated (photo d’illustration), Agence Rol (Charles Simon)
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