Qui l’eût cru ? La langue flamande est à la mode ! Interdit d’enseignement depuis plusieurs siècles et pratiqué honteusement par les locuteurs, le dialecte flamand s’affiche désormais fièrement dans le Westhoek. A l’initiative de l’Akademie voor Nuuze Vlaemsche taele – Institut de la Langue Régionale Flamande, de nombreuses communes du Westhoek s’arrachent les panneaux de signalisation d’entrée et sortie d’agglomération en langue flamande. Allez ! Nous ne polémiquerons pas aujourd’hui sur la curieuse traduction, pour ne pas écrire absolument fantaisiste, de trop de noms de villages, bien lointaine des appellations historiques figurant dans les ouvrages anciens.

Si la conscience flamande progresse, la vigilance demeure de mise. Les jacobins fanatiques veillent et guettent le moindre faux pas pour nuire à la diversité linguistique. C’est ce qui a bien failli se produire dans le Vaucluse il y a plus de trois ans.
Sur le bord de la route, une femme en soutien-gorge, d’autant plus pulpeuse que le mannequin est retouché par Photoshop, vous invite à la joindre par téléphone sur un numéro surtaxé. Cent mètres plus loin, une grande enseigne de meubles et électroménager vous propose de repartir sans payer, avec une télévision grand format flambant neuve sous le bras, non sans avoir néanmoins contracté un prêt à un taux faramineux auprès d’un organisme de crédit à la consommation. Encore un peu plus loin, un hypermarché vous indique que vous pourrez allégrement remplir votre chariot de produits industriels génétiquement modifiés (oui juste là !), à cent mètres sur votre droite, au cas où vous auriez loupé l’immense enseigne lumineuse qui éclaircit le ciel la nuit.
Des panneaux jugés accidentogènes
Fin 2018, l’exécutif du département du Vaucluse décidait de partir en croisade contre les panneaux jugés accidentogènes. Que voilà une excellente nouvelle ! Oui ! Sauf que vous pourrez toujours admirer les courbes de la jolie demoiselle, rêver au nouvel appareil qui vous permettra de supporter le Rugby Club Toulonnais depuis la maison et réfléchir aux délicieux produits que vous ramènerez au sein du foyer.
Car puisque qu’au sein du Conseil départemental du Vaucluse, on pensait aussi que ce n’est pas la taille qui compte, ce n’est pas aux 4×3 publicitaires qu’avait décidé de s’attaquer la majorité Les Républicains, alors présidée par Maurice Chabert, 75 ans, ancien professeur à la retraite et ancien maire apparenté LR de Gordes. Un président qui se définit comme “gaulliste de gauche pompidolien” et conserve la tête de l’Association… des plus beaux villages de France.
Non ! Avec un sens inné des responsabilités et des priorités, la collectivité du Vaucluse s’était mise en tête de partir en guerre contre la signalisation bilingue en langue provençale, aux entrées d’agglomération de plusieurs villes du département. Signalisation jugée illégale, ainsi celle de Li Taiado, que la collectivité départementale préfèrait ne voir nommée que sous l’appellation Les Taillades, et dont la moitié des panneaux avaient été soudainement enlevés par les services départementaux et invités à se faire voir ailleurs. Six communes en tout dans le collimateur de la collectivité, parmi lesquelles également Vacqueyras (Vaqueiras) et Pernes-les-Fontaines (Perno li Font).
Des panneaux bilingues pourtant installés depuis de nombreuses années, parfois plus de trois décennies, et d’une taille plus réduite que ceux en langue française. Ceux-là mêmes que l’automobiliste distrait peine à remarquer… Pour motiver sa décision, l’exécutif départemental se réfugiait derrière une loi du 24 juillet 1967, aussi usitée que celle interdisant à tout propriétaire de cochon de le nommer Napoléon. Aussi, la signalisation bilingue nuirait-elle au bon constat du panneau indiquant la vitesse en agglomération ; chacun ignorant évidemment qu’elle est de 50 km/h.
Derrière cette invocation à la stricte application légale, la majorité départementale peinait à masquer une farouche ambition de combattre la langue provençale. Bien décidée à ne pas se laisser faire, Nicole Girard, maire des Taillades, avait fait réinstaller la signalisation bilingue aux entrées de la ville. L’édile entendait s’appuyer sur la jurisprudence du tribunal administratif de Montpellier qui avait admis la pose de panneaux en langue occitane dans la commune de Villeneuve-lès-Maguelone. Comment le Vaucluse pourrait-il faire exception alors que de la Normandie à la Corse, de la Bretagne à l’Alsace mais également au Pays Basque, en Catalogne et depuis plusieurs en Flandre, nombreuses sont les communes honorant leur histoire et leur langue régionales ?
La nouvelle de l’enlèvement des panneaux en langue provençale avait fait grand bruit sur les réseaux sociaux après que le quotidien La Provence eut révélé l’affaire. De nombreux internautes se scandalisèrent de cette décision qui renvoyait aux heures les plus sinistres de la République, incarnées par l’abbé Grégoire, farouche adversaire des langues régionales.
En avant la polémique et marche arrière toute !
Devant le tollé provoqué, Maurice Chabert et sa majorité reculèrent le 9 août 2019. La signalétique bilingue sera autorisée à accueillir l’automobiliste sous la responsabilité des maires. Puisqu’il est de bon ton de sortir la tête haute, le président du département n’avait pas craint pas d’évoquer la désormais sacro-sainte “fake news”. Non, le conseil départemental n’avait jamais ambitionné d’ôter tous les panneaux en provençal. Il s’agissait bien évidemment d’un quiproquo… Le quiproquo, c’est quand il n’y a pas de stagiaire sur qui faire reposer la faute.
Victoire pour la langue provençale mais vigilance. Si elle n’a que le mot “diversité” à la bouche, la République jacobine entend bien faire tomber les défenseurs des langues et cultures minoritaires autochtones… dans le panneau.
Crédit photo : Xic667 (Avignon) – Facebook Tweëtalige paneels (Bavinchove)
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