Encore une mauvaise nouvelle dans la rubrique économie en plein été. L’entreprise Camaïeu dont le siège social est à Roubaix demande officiellement son placement en redressement judiciaire avec poursuite d’activité. Officiellement car cela fait des années que l’entreprise tente de sortir la tête de l’eau. Ses ex dirigeants et dirigeants actuels auront tout tenter. Changement de stratégie, licenciements, fermeture de magasins, campagne de com choc, rien n’y a fait. C’est la seconde fois que la structure souhaite un redressement judiciaire après celui obtenu en mai 2020. Ce sont aujourd’hui 2 600 salariés dont 450 au siège de Roubaix qui sont en difficulté. 517 magasins jouent leur avenir.
Cette demande serait motivée par « une accélération des difficultés de l’entreprise » et a pour objectif de « préserver [sa] pérennité », précise un porte-parole. Pendant les périodes de fermeture administrative, l’entreprise avait suspendu le paiement des loyers de ses magasins. Mais le 30 juin dernier, la justice a donné une réponse favorable aux bailleurs qui doivent voir leurs loyers payés malgré les fermetures. Selon le syndicat de la CGT, la direction aurait alors dénoncé les baux de plusieurs magasins pour inciter les propriétaires à négocier le prix des loyers. Au risque que ces derniers refusent et que les magasins ferment. La situation n’est donc plus tenable. Car entre temps, en juin 2021, l’entreprise subissait une cyber attaque monstre. Quatre mois de dysfonctionnements pendant lesquels elle a privilégié ses fournisseurs au détriment des bailleurs.
Des difficultés qui remontent à plusieurs années
L’entreprise fut créée par des ex cadres d’enseignes Mulliez en 1984. A cette époque, la stratégie est basée sur la proximité et la réponse au plus près de la demande. Puis elle connaît un développement fulgurant. En 1991, elle ouvre son 100ième magasin en France et ses premiers magasins à l’étranger. En juin 2000, la Société Camaïeu qui compte alors 318 magasins, entre en bourse. Elle ouvre des magasins en Europe de l’Est.
Le changement majeur va venir en 2005. Les fondateurs revendent leurs parts à un fonds d’investissement. La folie des grandeurs commence, le profit est recherché par dessus tout. Surtout par dessus les conditions de travail des salariés de plus en plus en situation précaire. Le temps des premiers mouvements sociaux débute. A partir de là, l’entreprise va connaître son lot de difficultés financières de manière récurrente.
Mais on commence à compter des magasins en Afrique à compter de 2017. Cependant, la vente sur internet ne décolle pas, trop de retard dans le démarrage, ses concurrents ont pris trop d’avance.
Soutiens affichés de Xavier Bertrand à compter de 2016
En 2016, le principal actionnaire Cinven vend l’entreprise. Mais les propositions reçues ne sont pas suffisantes. Xavier Bertrand, tout nouveau président de la région, se mêle personnellement de la suite vis à vis d’une des banques de l’entreprise: la BNP. Il avait fait du travail le sujet central de sa campagne aux régionales. Notamment par une promesse de remettre 60 000 chômeurs au travail en 9 mois. Outre une promesse non tenue, il voyait d’autres chômeurs s’accumuler. Il avait donc à coeur de se démener pour assurer un avenir à l’entreprise…qui se solda par un avenir précaire.
En 2018, nouveau coup dur, l’entreprise est placée en procédure de sauvegarde. Puis en redressement judiciaire en mai 2020. L’entreprise licencie alors à tour de bras et a perdu 95% de chiffre d’affaires entre mars et avril 2020. Là encore, on voit un Xavier Bertrand sur tous les fronts. Pour cela, il attend un geste de l’Etat. Coup de com ou intention louable, à la veille de la réforme de l’assurance chômage finalement repoussée, la période était propice.
En 2020, Camaïeu est finalement reprise par la FIB, la Financière immobilière bordelaise. En février 2022, une nouvelle directrice générale était nommée. Mais les difficultés s’accumulent et les nouveaux choix stratégiques dont des rachats d’autres entreprises n’arrangent pas la situation. L’aide directe par une subvention de 500 000 euros pour un nouveau développement du conseil régional en novembre 2019 n’y aura rien fait.
Le tribunal de commerce rendra sa décision lundi prochain compte tenu de l’ampleur du dossier.
Crédit photo: wikipédia
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