Ce mercredi, 67.390.000 Français sont invités à célébrer la fête nationale française. Les politiques mémorielles et célébratives des Etats-Nations ont ceci de curieux qu’elles englobent l’ensemble de leurs nationaux. Ainsi, la prise de la Bastille, survenue le 14 juillet 1789 constitue-t-elle la mythologie référentielle de l’ensemble des Français, également des « Français depuis peu » et des « pas encore Français ».
La Bataille des Eperons d’or (Guldensporenslag) est l’une des plus cuisantes défaites de l’histoire militaire française
Trois jours auparavant, et 487 ans aussi…, le 11 juillet 1302, dans la plaine de Courtrai, la fine fleur de la chevalerie française est écrasée par les milices communales flamandes. La Bataille de Courtrai, concernant laquelle les Flamands préfèrent le nom de Bataille des Eperons d’or (Guldensporenslag) est l’une des plus cuisantes défaites de l’histoire militaire française. Elle tient son nom des pièces de métal fixées au talon des chevaliers français morts au combat et prélevées par les Klauwaerts, membres des milices flamandes, avant d’être exposées comme trophées en l’église Notre-Dame de Courtrai.

Si l’évènement historique est de la plus haute importance, la Bataille des Eperons d’or devient la manifestation la plus symbolique des velléités indépendantistes flamandes tandis que le mouvement flamand éclot au 19ème siècle et plus encore lorsque l’écrivain anversois Henri Conscience publie, en 1838, le souvenir de l’affrontement dans son ouvrage Le Lion de Flandre. Dès lors, la pensée nationaliste flamande revendique le 11 juillet comme le fait majeur de l’Histoire de Flandre.
De nombreuses décennies durant, les associations et mouvements séparatistes flamands entendent faire du 11 juillet une fête nationale. Ce qui ne va pas sans créer quelques tensions au sein d’une nation belge unitaire et monolingue qui ne reconnait que la date du 21 juillet comme fête nationale des peuples composant la Belgique. La revendication prend de l’ampleur. De manifestation pro-flamande, elle prend une tonalité de plus en plus anti-belge, à tel point que les médias français s’intéressent à l’affaire. Le 12 juillet 1966, le quotidien Le Monde titre « La fête nationale flamande est célébrée dans une atmosphère de vive hostilité aux Wallons ».
La communauté flamande parvient à ses fins en 1973. Le 11 juillet est déclaré Feestdag van de Vlaamse Gemeenschap (Fête nationale de la communauté flamande) et devient un jour de congé obligatoire.
Le 11 juillet concerne aussi la Flandre devenue française !
Dans l’imaginaire collectif français, les frontières demeurent immuables, à l’exception de l’Alsace-Lorraine, dont la période de rattachement à l’Empire allemand, contribua à l’élaboration du roman national français. Cela va sans dire mais la France n’eut bien évidemment pas toujours la même forme hexagonale. Elle ne représentait d’ailleurs pas cette forme géographique ce fameux jour de juillet 1789 lorsque des émeutiers parisiens s’emparent de la prison de la Bastille. Le duché de Savoie et le comté de Nice échappent encore à la domination française, de même que les communes alpines de Tende et La Brigue dont l’incorporation à l’Etat français en 1946 constitue la dernière modification territoriale de la France métropolitaine.
Au 11 juillet 1302, malgré de nombreuses tentatives, le Royaume de France peine à conquérir la Flandre, ainsi également la partie méridionale qui deviendra durablement française depuis Louis XIV. Si le roi de France Philippe IV peut compter sur le comte Robert II d’Artois parmi ses commandants, ce dernier trouvant d’ailleurs la mort ce même jour, les troupes flamandes sont composées de milices provenant de l’ensemble du territoire flamand. Aussi de la Flandre devenue française, de Dunkerque à Douai, ainsi qu’en dressaient la liste Gérard Landry et Georges De Verrewaere, co-auteurs d’une Histoire secrète de la Flandre et de l’Artois.

“Sommés d’oublier leur histoire et invités à danser sur les os de leurs ancêtres, les Flamands de France du troisième millénaire ignorent que le 11 juillet 1302 fait partie de leur héritage”
Bien évidemment, le souvenir d’une Flandre s’étendant de part et d’autre de ce qui deviendra la frontière franco-belge demeure parmi les militants Flamands de France, invités à participer aux cérémonies officielles à Bruges, au pied de la statue des chefs de la révolte flamande Jan Breydel et Pieter De Coninck. De la même manière, le mouvement flamand de France organisait de nombreuses manifestations à l’occasion de la fête nationale flamande. A titre d’exemple, le 11 juillet 1979 à l’occasion du plein succès de la fête du château d’Esquelbecq, lorsqu’un grand bal folk réunissait plusieurs centaines de personnes au son des instruments des groupes Haeghedoorn, Marieke en Bart ou Sprinkhanders.
Bonne fête nationale flamande à tous les Flamands de Belgique, de France et d’ailleurs !
Crédit photo : NVA Provincie West-Vlaanderen (NVA)
Le miroir du Nord, 2022. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine