Le 24 avril 1916 éclatait l’insurrection de Dublin, également appelée Pâques Sanglantes. L’indépendance de l’Irlande est proclamée… pour peu de temps. Les volontaires républicains sont écrasés après une semaine d’intenses combats le 30 avril. Le socialiste et nationaliste James Connolly est arraché de son lit d’hôpital, assis sur une chaise et fusillé. Exécutés également les autres chefs, Patrick Pearse, Tom Clarke, John MacBride, Sean McDiarmada, Joseph Plunkett et le lord protestant pro-irlandais Roger Casement. Perçue dans la mythologie nationaliste comme une bataille de grande envergure, les événements de Pâques constituent en réalité un affrontement miniature lors duquel 1.250 Irlandais font face à 16.000 soldats de la Couronne. 80 volontaires républicains furent tués, de même que 300 civils ; l’Empire dénombrant quant à lui 169 morts. Si les rebelles ne seront pas parvenus à un embrasement généralisé, au moins l’insurrection aura-t-elle marquée de sa profonde empreinte la mémoire collective irlandaise.
Tout cela est très bien mais, me direz-vous, quel rapport entre Dublin et Hulluch ?
Dublin – Hulluch, mêmes combats ?
Conscients de leur infériorité en armes, les nationalistes irlandais avaient tôt compris le profit qu’ils pouvaient tirer de l’engluage des troupes britanniques dans les tranchées de la Première Guerre mondiale sur les fronts de Flandre, d’Artois et de la Somme.
Dans la petite commune de Hulluch, située à moins de dix kilomètres au Nord de Lens, la 16ème Division irlandaise, rattachée au 19ème Corps de l’armée britannique, sous le commandement de John Hickie, s’apprête à livrer bataille contre les troupes allemandes enterrées à portée de grenade. Débarquée au port du Havre le 18 décembre 1915, la 16ème Division irlandaise monte au feu en Artois dès les premiers jours de l’année 1916.
En cette journée ensoleillée du 27 avril 1916, le Royal Inniskilling Fusiliers, dont les positions s’étirent sur trois kilomètres, est la cible d’une terrible attaque au gaz moutarde. Afin de stopper l’attaque allemande, d’autres unités de cette même division, parmi lesquels le Royal Dublin Fusiliers, le Royal Irish Rifles et le Royal Munster Fusiliers gagnent les lignes du Inniskilling.

Deux jours plus tard, le 29 avril, les Allemands arrosent de nouveau de gaz les lignes irlandaises. Mal leur en prend. Le vent contraire ramène les effluves toxiques dans leurs propres lignes, paralysant nombre de soldats teutons.
Plus de 500 morts comptabilisés
Les combats d’Hulluch passeront à la postérité comme une des batailles lors de laquelle les gaz toxiques furent les plus utilisés. La bataille fit plus de 500 morts de chaque côté.
Afin de tenter de déstabiliser les lignes irlandaises, le commandement allemand avait placardé des affiches au début du mois de mai 1916, avertissant les soldats de la Green Erin de la terrible répression des évènements de Pâques 1916. Si l’immense majorité des Irlandais était acquise à l’indépendance de l’Irlande, nombre d’entre eux s’étaient laissés persuadés par le pouvoir londonien qu’une importante participation irlandaise à l’effort de guerre britannique constituerait un prélude à une future autonomie politique de l’Irlande une fois les Orages d’acier terminés.
La victoire acquise à Hulluch, les divisions irlandaises demeurèrent plusieurs mois sur le front du bassin minier avant de gagner des positions plus méridionales, dans la Somme. Le périple des troupes irlandaises dans notre région Flandre-Artois-Hainaut-Picardie les mena ensuite à Messines, où ils partagèrent les mêmes positions que la 36ème Division anglaise, puis Péronne et Hamel. Huit mois avant l’armistice, en avril 1918, la 16ème Division est relevée et les survivants regagnent l’île d’Irlande.
La déception fut grande pour les anciens combattants Irlandais qui se rendirent à l’évidence. L’autonomie politique de l’Irlande promise par la Perfide Albion était un leurre. L’Allemagne vaincue, de nombreux combattants des tranchées d’Hulluch reprirent les armes… mais cette fois dans les rangs de l’I.R.A. et contre ceux-là mêmes qu’ils avaient côtoyés dans la boue quelques mois plus tôt !
Le miroir du Nord, 2022. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine