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Les Belges dans le Nord de la France

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De 1840 à 1890, des centaines de milliers de Belges, Flamands pour les trois-quarts, ont trouvé à s’employer dans tous les secteurs d’activité des Pays-Bas français, région voisine en recherche de main d’œuvre. Malgré la proximité géographique, historique, culturelle, politique, leur arrivée ne fut pas toujours facile, plus en raison de l’ampleur de cette migration et des tensions sociales que par un particularisme flamand ou wallon. Entre 1815 et 1914, 500 000 Belges s’établirent durablement en France, et bien plus encore y travaillèrent temporairement. En 1881, ils étaient 432 000 en France, soit 40% de la population immigrée, dont 60% dans le département du Nord, où ils formaient 15,2% de la population. En 1851, les Belges comptaient pour 38% de la population roubaisienne, et 54% en 1886.

Essentiellement une migration économique

C’est une migration économique : c’est essentiellement l’introduction de la machine à filer le lin, à partir de 1841, qui a bouleversé toute la structure économique de la Flandre belge en supprimant des centaines de milliers d’emplois ; à cela s’ajoutent les crises agricoles de 1845-46 qui touchent la pomme de terre et le seigle, et la guerre de Sécession en 1862-63 qui prive les industries gantoises du coton américain.

L’universitaire Yanis Hankaoui* a analysé dans son mémoire “Immigration et migrations belges dans le Nord-Pas-de-Calais 1840-1890” les aspects de cette migration : accueil/rejet, criminalité, gestion administrative et juridique. Il développe la multiplicité des facteurs qui vont favoriser l’intégration de ces Belges. L’auteur confond ici intégration (qui maintient une communauté distincte dans le pays d’accueil), et assimilation (fusion dans le pays d’accueil). C’est bien sûr d’assimilation qu’il eut fallu parler.

De même, préoccupé de faire un parallèle avec l’immigration extra-européenne actuelle (attribuée aux conflits ou au réchauffement climatique) tout en voulant « se prémunir de tout anachronisme », l’auteur utilise toujours le terme d’immigré pour qualifier ces travailleurs frontaliers, qui passent de la Flandre belge à la Flandre française (ou du Hainaut belge au Hainaut français), ce qui est évidemment abusif. Comme l’écrit Jean Stengers** cité par Hankaoui « Pour une foule de Belges, la frontière entre les deux pays ne compte guère plus, psychologiquement, que les limites entre les provinces ; il y a simplement quelques douaniers en plus ». 

Un paradoxe dû à l’esprit du temps ?

C’est souvent par le mouvement politique socialiste, les syndicats, les coopératives, où ils sont très présents, que les travailleurs belges se fondent rapidement dans la classe ouvrière. Et pourtant, ils sont   en même temps accusés d’être un outil au service du patronat, ils sont confrontés à la montée du nationalisme (après 1870), de la xénophobie, de l’animosité grandissante de la classe ouvrière comme de l’élite républicaine et socialiste, qui prônent « la protection du travail national ». C’est là un formidable paradoxe. A Roubaix-Tourcoing comme dans le Bassin minier, les violences se déchaînent contre les travailleurs belges, et se calment… quand ceux-ci demandent leur naturalisation !

AW

*Immigration et migrations belges dans le Nord-Pas-de-Calais 1840-1890. Yanis Hankaoui. Ed. Archives & Culture. 2022.

**Emigration et immigration en Belgique au XIXe et XXe siècles. Jean Stengers. Bruxelles. Académie royale des Sciences d’outre-mer. 1978.

Crédit photo: wikipédia

Le miroir du Nord, 2022. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine

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