2 mars 2022 : la nouvelle se répand dans toute la Corse, telle une onde de choc. Dans la maison centrale dans laquelle il est détenu, Yvan Colonna, condamné pour l’assassinat du préfet Claude Erignac en 1998, vient d’être sauvagement agressé par Franck Elong Abé, ancien djihadiste ayant combattu en Afghanistan aux côtés des Talibans.
Déclaré mort plusieurs heures durant, puis en état de mort cérébrale, Yvan Colonna est en réalité plongé dans le coma, entre la vie et la mort, à l’hôpital de Marseille. L’embarras des autorités est palpable et les nuages sombres survolent aussitôt ce qu’il convient d’appeler la nouvelle Affaire Colonna.
Les questions sont nombreuses et les proches du prisonnier corse, et tout le peuple corse, ne manqueront pas d’exiger des réponses. Car la situation est on ne peut plus confuse. La famille s’est exprimée à ce sujet.
Des questions sans réponse
Pourquoi a-t-on annoncé à la famille que le militant nationaliste corse a été blessé à la suite d’une rixe, qui impliquerait donc les deux individus, et non d’une agression subie ? Les faits étaient pourtant connus immédiatement…
Pourquoi la famille est-elle ensuite demeurée sans nouvelles et livrée à elle-même pour obtenir la moindre information ?
Qui est à l’origine de la fausse nouvelle de la mort d’Yvan Colonna ? Pourquoi les services officiels ont-ils pris le risque de n’apporter aucun démenti et laisser prospérer une telle fausse information ?
Comment un prisonnier, statutairement qualifié de détenu particulièrement surveillé a-t-il pu être l’objet d’une tentative d’assassinat dans une prison hautement surveillée ?
Comment se peut-il que le personnel pénitentiaire ait mis tant de temps à intervenir ? A plus forte raison que la pièce dans laquelle Yvan Colonna est agressé bénéficie d’un système de vidéo-surveillance.
Si, à l’intérieur du système carcéral, il est des détenus dont l’intégrité physique doit être précieusement protégée, tant les répercussions, dans la société, pourraient être dommageables pour l’Etat, Yvan Colonna fait bien partie de ceux-là. La France l’apprendra à ses dépens et nul doute que la mobilisation sur l’île de beauté de ce jour ne se contentera pas des réponses vagues d’un système étatique défaillant à tous les niveaux. Car c’est un fait, l’ancien individu le plus recherché de France jouit d’un élan de solidarité qui anime toute la Corse. Et même au-delà.
Les questions dérangeantes remontent le cours du temps…
Pourquoi Yvan Colonna, et plus généralement les membres désignés par la justice comme ayant constitué le commando Erignac, sont-ils exclus des dispositions légales concernant le droit au rapprochement des prisonniers ? En d’autres termes, pourquoi l’Etat ne respecte-t-il pas ses propres lois ?
Pourquoi Yvan Colonna, Alain Ferrandi et Pierre Alessandri demeurent-ils toujours exclus des dispositions légales de libération conditionnelle et aménagement de peine quand l’Etat rechigne moins à libérer d’autres détenus qu’il estime pourtant, egalement hautement dangereux, ainsi de nombreux djihadistes condamnés pour entreprise terroriste ? Pourquoi ce deux poids, deux mesures ?
Et par-dessus tout, pourquoi Yvan Colonna est-il en prison ?
On rétorquera évidemment que le berger de Cargèse est détenu parce qu’il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité, sans période de sûreté, à trois reprises. Mais la condamnation prononcée par un tribunal fonde-t-elle la culpabilité du prévenu qui, toujours, clama son innocence?
Faisant fi de l’un des principes les plus élémentaires du droit pénal, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, déclarait, péremptoire, que « la police française vient d’arrêter Yvan Colonna, l’assassin du préfet Erignac. » Dans ces conditions, le procès quitte le prétoire et devient un enjeu politique.
Les zones d’ombre sont pourtant nombreuses au sujet de la présence d’Yvan Colonna sur les lieux du drame, le 6 février 1998 à Ajaccio…
Le documentaire que nous vous invitons à visionner aujourd’hui fut diffusé par la chaîne 13ème rue. “Yvan Colonna, le doute” fut tourné pendant le second procès du berger en 2009. Avec sa gouaille habituelle, Karl Zéro interroge les protagonistes qui gravitent autour du dossier Colonna. Le journaliste interroge surtout nos consciences : se peut-il qu’un innocent dorme en prison depuis 19 ans ?…
Bon doc !
Le lecteur qui souhaiterait davantage d’informations se reportera utilement à l’ouvrage de Vincent Le Coq, Colonna, anatomie d’un procès truqué, paru chez Max Milo.
Crédit photo : capture écran youtube
Le miroir du Nord, 2022. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine