Le prénom, un sujet qui fait même débat en vue des élections présidentielles 2022. Le 2 décembre, l’INSEE publiait une analyse très intéressante sur l’évolution des prénoms donnés dans la région depuis 1946. Des chiffres éloquents et qui démontrent 3 évolutions:
- L’émergence de « nouveaux » prénoms souvent inventés
- Une confirmation de l’installation de populations étrangères majoritairement africaines
- La perte d’une certaine identité affirmée par l’arrêt (définitif ?) des prénoms régionaux
Des particularités régionales
La région se classe 3eme quant à la diversité des prénoms donnés avec quelques 10000 prénoms. La région parisienne en compte jusqu’à 26000. En revanche, en terme d’évolution, le phénomène est inversé. La région a multiplié par 5 le nombre de prénoms donnés quand ce chiffre et de 8 au niveau national. Les prénoms utilisés étaient déjà diversifiés. Ce phénomène connaît une baisse depuis 2015 : la faute à un ralentissement de la natalité ou à la disparition définitive de certains prénoms comme Sylvie, Carole ou encore Romuald ? Dans les autres régions, pas de baisse mais une réelle stagnation. La région lilloise a toujours été plus avant-gardiste et le nombre de prénoms donnés a toujours connu une diversification plus importante.
La décennie 1990 a accéléré ce phénomène, la loi de 1993 passant par là en ouvrant la possibilité de donner des prénoms hors du répertoire défini par la loi du 11 Germinal de l’an XI (1er avril 1803) datant du consulat. Elle encadrait le choix des prénoms pour éviter la multiplication des prénoms « patriotes » issus de la Révolution Française (Châtaigne, Liberté…). « Les noms en usage dans les différents calendriers, et ceux des personnages connus de l’histoire ancienne, pourront seuls être reçus, comme prénoms […]. La loi du 8 janvier 1993 a permis une liberté uniquement limitée aux prénoms portant atteinte à la dignité de l’enfant. La médiatisation de certains cas allait grandissant dans les années 90. Pour combler votre curiosité (et se rendre compte de ce que certains parents ambitionnaient pour leur enfant), en voici une liste non exhaustive refusés par les officiers d’Etat civil : MJ, prince William, bob l’éponge, nutella, anomalie, astérix, anal, anus, CR7, excel, mini-cooper, folavril, lucifer, manhattan (refusé en 1983, autorisé depuis), clafoutis, titeuf, fleur de Marie, clafoutis, fraise (refusé en 2014 à un couple de Raismes dans le Nord), metallica, spirou ou encore joyeux.
Respect du top 10
Le top 10 des prénoms donnés est quasiment identique à celui des autres régions. Nous retrouvons toujours le même top 5 féminin : Jade, Louise, Emma, Alice et Ambre ainsi que Léo, Raphaël, Louis, Gabriel, le cinquième prénom masculin Jules étant remplacé par Arthur au niveau national.
Les schémas présentés dans cette analyse résument à eux seuls ces évolutions

L’essor des nouveaux prénoms
Certains nouveaux prénoms sont désormais monnaie courante : combien de petites Louane, la star régionale aidant à ce phénomène, ou de petits Timéo sont identifiés.
Ces évolutions se sont faites principalement au détriment de prénoms traditionnels, pour certains à consonnance religieuse. En 1946, 7 000 garçons portaient le prénom Jean soit 12,3 % des naissances déclarées (20,5 % avec les prénoms composés). En 2020, seuls 58 enfants portaient ce prénom. La même année, idem pour Marie. 10% des filles si on inclut les prénoms composés étaient appelées ainsi. En 2020, il n’y a eu que 51 Marie dans la région. A savoir que c’est le seul prénom féminin à figurer parmi les cent prénoms les plus donnés depuis 1946.
Les prénoms anglo-saxons ou issus de séries télévisées américaines (Dylan, Ethan, Nolan…) ont eu du succès dans les années 90. Ce phénomène est connu particulièrement dans le bassin minier tout comme les prénoms en A chez les filles (Léa, Lola, Emma…). Les prénoms classiques (Jeanne, Paul, Anna ou Victor …) ont repris une certaine prestance particulièrement à Lille ou Arras. Les considérations sociales expliquent grandement ces phénomènes.
Cette étude a 2 limites en n’évoquant pas la question des prénoms régionaux et extra européens. Où sont les Alois, Erwin, Wilhem, Brunehilde, Svanhilde ? La Flandre a-t-elle disparu tout du moins par cet aspect identitaire fort ? Hélas, ce n’était pas forcément un réflexe pour les familles, même du Dunkerquois. Pour beaucoup, cela semble dépassé, voire ridicule (sic) ! Sans compter les difficultés de prononciation, force est de constater que Lilou ou Timéo semblent davantage accessibles à tous, représentations de la facilité recherchée à notre époque.
Les familles corses, elles, continuent de donner des prénoms de leur pays : GHJULIA pour les demoiselles. ANDRIA pour les petits messieurs arrivent largement en tête.
Les prénoms extra européens dans le classement
En revanche, non pris en compte car hors des prénoms en haut des classements, les prénoms d’origine extra européenne…qui connaissent cependant un attrait marqué. Le classement 2020 met le prénom Mohammed en 18 eme position en France . C’est le prénom le plus donné à Roubaix, il s’agit de Inaya pour les filles. L’hebdomadaire le Point en février 2019 confirmait une tendance nette : 18% des prénoms donnés en France sont arabo-musulmans. Sur le Pas de Calais, la tendance entre 2000 et 2020 a été multiplié par 5, représentant 7,8% des prénoms donnés. Si le Nord ne connaît pas une augmentation aussi importante (x2,5), le taux était déjà significatif en 2000, passant de 7,2% à 21,9% en 2020. L’Oise connaît le même phénomène, loin des 55% de la Seine Saint Denis.
Les prénoms, signes majeurs de l’état d’une nation, illustrent les maux de la société actuelle…sans enracinement.
Crédit photo: extrait rapport INSEE
Le miroir du Nord, 2021. Dépêches libres de copie et de diffusion sous réserve de mention et de lien vers la source d’origine